Publié le 26.01.2021
Type de document
Avis

Matières

AV21-03 - Amendements gouvernementaux au projet de loi n°7139 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain

Eléments-clés de l’avis

  • Les auteurs entendent tout d’abord modifier le contenu de l’étude préparatoire en érigeant le concept de mise en œuvre en une composante autonome de celle-ci. Le ‘nouveau’ concept de mise en œuvre doit permettre à la commune de définir quels terrains devront faire l’objet des futures servitudes de viabilisation et de construction de logements. Dans la mesure où le concept de mise en œuvre est également un des éléments obligatoires du schéma directeur, ayant le même objet que la modification projetée, le SYVICOL demande à voir préciser le champ d’application du projet de règlement grand-ducal portant modification du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire et adapter sa terminologie à celle définie dans la législation sur l’aménagement communal et le développement urbain.
  • De même, le SYVICOL craint que l’enquête auprès des propriétaires concernés que les autorités communales devront mener afin de déceler leur disposition à urbaniser leurs fonds en vue de la fixation des délais de viabilisation et de construction de logements ne s’avère complexe sans toutefois atteindre le résultat espéré. En effet, l’avis des propriétaires ne vaut qu’à titre indicatif et ne constitue qu’un des éléments à prendre en compte dans la prise de décision finale des autorités communales.
  • Si les amendements au projet de loi soumis au SYVICOL viennent combler les trois principales faiblesses du projet de loi initial, les nouvelles servitudes déterminant des créneaux temporaires de viabilisation et de construction de logements, respectivement les effets que les auteurs du projet de loi attachent à celles-ci, ne résistent pas à une analyse juridique approfondie.
  • Les nouveaux articles 9bis à 9nonies confèrent ainsi aux autorités communales la compétence de créer dans le plan d’aménagement général deux nouvelles zones superposées limitant le mode et le degré d’utilisation du sol dans le temps à savoir les zones de servitudes « créneau temporaire de viabilisation » (ci-après CTV) et « créneau temporaire de construction de logements » (ci-après CTL). Le SYVICOL estime qu’il serait utile de compléter l’article 9bis, paragraphe 1er, par une référence aux objectifs d’intérêt général qui doivent guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement général et de fixer les fins, les conditions et les modalités suivant lesquelles les servitudes s’exerceront dans la loi.
  • Le projet de règlement grand-ducal portant modification du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune prévoit deux nouvelles légendes-type « zone de servitude ‘créneau temporaire de viabilisation’ » et « zone de servitude ‘créneau temporaire de construction de logements’ » sur laquelle les communes doivent faire figurer la date butoir du délai de viabilisation ou de construction de logements. Le SYVICOL observe que les communes seront dans l’impossibilité matérielle de satisfaire à cette obligation compte-tenu à la fois du point de départ de ce délai qui est fixé au jour de l’entrée en vigueur du plan d’aménagement général et d’éventuelles causes de suspension.
  • Sur le fond, le SYVICOL constate que les nouvelles servitudes se heurtent à plusieurs obstacles. Ainsi, les fonds grevés par une zone superposée « contrainte temporaire de viabilisation » bénéficient d’un certain classement dans le PAG, qui n’est ni provisoire, ni suspendu à un certain délai, seule la servitude l’est. Or, le fait de rendre inconstructible un terrain qui était auparavant classé dans une zone constructible oblige l’auteur de la servitude non aedificandi à indemniser le propriétaire lésé. Une action est ainsi ouverte au propriétaire pour le préjudice subi sur base de l’article 22 de la loi modifiée du 19 juillet 2004. C’est également le cas du reclassement opéré par la servitude « contrainte temporaire de construction de logements », qui n’est pas autrement précisé par le texte.
  • Pour le SYVICOL, il s’agit de la principale pierre d’achoppement du projet de loi : non seulement, le but recherché, à savoir la viabilisation de terrains, respectivement la construction de logements risque de ne pas être atteint – les terrains étant reclassés pour une période de six années dans une zone non constructible – mais en plus l’administration communale risque de devoir indemniser le propriétaire concerné qui n’a pas viabilisé ou construit son terrain. Cet effet est d’autant plus indésirable que la commune ne dispose pas d’une marge de manœuvre : contrairement aux servitudes classiques dont l’appréciation de l’opportunité appartient aux autorités communales, les servitudes CTVL sont imposées par la loi du seul fait du reclassement favorable par le plan d’aménagement général.
  • Deuxièmement, le SYVICOL s’interroge sur les effets attachés par les auteurs du projet de loi à ces servitudes. Il est d’avis qu’elles prennent effet dès l’entrée en vigueur du plan d’aménagement général et jusqu’à l’écoulement du délai de viabilisation respectivement de construction de logements. La servitude est donc déjà éteinte au moment du constat effectué par le bourgmestre que les travaux n’ont pas été entamés de manière significative. Dès lors, la sanction de l’absence de viabilisation ou de construction du terrain doit résulter de la loi et non de la servitude. D’autre part, le texte n’envisage pas l’hypothèse où le propriétaire entame de manière significative les travaux de viabilisation ou de construction pour faire échec à un éventuel reclassement, mais sans intention de les achever, de sorte qu’il serait opportun de prévoir un délai d’achèvement des travaux.
  • L’article 9quinquies instaure une procédure sui generis en ce qui concerne le constat que les travaux de viabilisation ou de réalisation de logements n’ont pas été entamés de manière significative. Ainsi, le texte prévoit que le bourgmestre constate le jour de l’écoulement du délai que les travaux n’ont pas été entamés de manière significative et qu’il en informe dans les quinze jours par voie de lettre recommandé avec accusé de réception le ministre et les propriétaires concernés. Ces derniers ont la possibilité de présenter des observations au ministre qui statue sur ces réclamations et approuve ou refuse d’approuver le constat dressé par le bourgmestre, puis notifie la décision ministérielle endéans un délai de quinze jours au bourgmestre - mais pas aux propriétaires concernés. Le SYVICOL donne à considérer qu’un reclassement ne saurait intervenir de plein droit sans une décision de l’administration contre laquelle un recours peut être intenté devant les juridictions administratives. Le constat à dresser par le bourgmestre ne constitue qu’un acte préparatoire à la décision de reclassement, qui relève de la compétence des autorités communales conformément à la loi et à la règle du parallélisme des formes.
  • Pour toutes ces raisons, les servitudes telles qu’envisagées par les auteurs du projet de loi ne sauraient recevoir l’aval du SYVICOL. Le raisonnement à leur base pourrait néanmoins être utilisé pour dégager une autre piste, consistant à déplacer l’obligation de viabilisation du terrain respectivement de construction de logements au niveau du classement du terrain dans le PAG, en l’érigeant en une condition de ce classement. Ainsi, le classement favorable dans une zone constructible ne serait que provisoire (par exemple via une levée provisoire de la servitude non aedificandi), conférant au propriétaire du terrain un droit de construire pour une période limitée définie par le PAG. Le non-usage de ce droit dans le délai imparti entraînerait sa déchéance et le classement provisoire prendrait automatiquement fin, le fonds retrouvant son classement initial sans changement de statut et donc sans indemnité. Le propriétaire perdrait ainsi la chance de valoriser son terrain qui lui avait été offerte pour une durée limitée, cette perte résultant de sa propre inaction. Au contraire, s’il a fait preuve de célérité et qu’il a fait usage de son droit de construire, le classement provisoire deviendrait définitif à l’achèvement de la construction.
  • Le SYVICOL salue la volonté des auteurs du projet de loi de légiférer pour introduire dans la loi modifiée du 19 juillet 2004 une procédure allégée de modification ponctuelle du plan d’aménagement général. Néanmoins, il regrette que l’ouverture d’une telle procédure soit strictement verrouillée par la nouvelle définition du caractère « ponctuel », par référence à l’interprétation jurisprudentielle de l’étendue du pouvoir de tutelle spéciale d’approbation du ministre de l’Intérieur dans le cadre de la procédure d’approbation du PAG. A contrario, le texte exclu d’office certains cas d’ouverture de la procédure de modification ponctuelle sans que cela ne soit justifié.
  • Le SYVICOL propose de reprendre et d’adapter la définition de la modification ponctuelle d’un plan d’aménagement particulier figurant à l’article 26 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, de sorte que « sont considérées comme ponctuelles, les modifications qui ont pour objet l’adaptation d’un plan d’aménagement général sur un ou plusieurs points précis sans mettre en cause la structure générale ou les orientations du plan d’aménagement général initial ».
  • De même, il ne peut marquer son accord avec la procédure ‘allégée’ prévue au futur article 18bis, qui témoigne d’une lourdeur administrative rendant la procédure de modification ponctuelle du plan d’aménagement général dénuée d’intérêt. Le SYVICOL fait observer que l’envergure de la procédure de modification ponctuelle est à mettre en rapport avec sa portée : la commune ne peut avoir recours à cette procédure que de manière exceptionnelle pour des changements mineurs, la règle étant celle d’une modification du plan d’aménagement général selon la procédure prévue pour l’adoption du plan d’aménagement général.
  • Dès lors, le SYVICOL est d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’élaborer une étude préparatoire, de sorte que le collège des bourgmestre et échevins peut immédiatement lancer la procédure d’enquête publique. Le SYVICOL s’oppose également au pouvoir de contrôle supplémentaire instauré au profit de l’autorité de tutelle, qui heurte le principe de l’autonomie communale garanti par la Charte européenne de l’autonomie locale et par l’article 107 de la Constitution. Il plaide pour une tutelle d’approbation classique portant sur le projet de modification ponctuelle du plan d’aménagement général tel qu'adopté par le conseil communal conformément à l’article 18bis, paragraphe 5.
  • Le SYVICOL demande à voir rétablir à l’article 11, alinéa 2, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 le délai de quatre mois endéans lequel la commission d’aménagement doit rendre son avis sur le projet de plan d’aménagement général.
  • En ce qui concerne le nouveau Titre 6 relatif aux « mesures d’exécution des plans d’aménagement », le SYVICOL renvoie à son avis du 13 novembre 2017 qui conserve toute sa pertinence. Il insiste cependant sur le maintien de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique à l’article 62 du projet de loi, sous peine de vider cette disposition de son sens. Etant donné que la loi prévoit que la commune entame la procédure d’expropriation à son propre profit sur base d’un projet d’aménagement, d’un programme et d’un cahier des charges des ventes et des locations, l’utilité publique à la base de la procédure d’expropriation pourra être aisément vérifiée par les juges. De plus, il arrive très souvent que dans le cadre des discussions entre le pouvoir expropriant et le propriétaire, un terrain d’entente soit trouvé rendant la procédure d’expropriation superflue.
  • Les nouveaux articles 108quinquies et 108sexies introduisant des dispositions transitoires pour les projets d’aménagements généraux et les PAP NQ soulèvent également des difficultés. Si le projet de loi prévoit que l’article 9bis ne s’applique pas aux communes qui n’ont pas encore refondu leur PAG conformément à la loi du 19 juillet 2004, respectivement à celles dont la refonte du PAG est en cours de procédure, d’autres articles devraient également être visés notamment l’article 1er (concept de mise en œuvre) et les articles 9ter à 9nonies. En ce qui concerne l’article 108sexies, le SYVICOL demande aux auteurs de clarifier leurs intentions alors que cet article est en contradiction avec l’article 10, point 3, du projet de loi n°7648 relative au Pacte logement instaurant un article 108quinquies.

Lien vers le dossier parlementaire

Télécharger le document
Publié le 26.01.2021