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S.A.R. la Grande-Duchesse de Luxembourg et Monsieur le Ministre des Affaires intérieures Léon Gloden assistent à la 48e session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à Strasbourg

Du 25 au 27 mars, Emile Eicher, Martine Dieschburg-Nickels, Dan Biancalana et Christian Weis ont participé à la 48e session du CPLRE à Strasbourg qui s’est tenue sous la Présidence du Luxembourg du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. C’est également au nom de ladite Présidence que le Ministre Léon Gloden a adressé le Congrès en affirmant qu’« une démocratie locale forte est le meilleur rempart contre l'érosion démocratique ». Les membres du Congrès avaient également le grand honneur de pouvoir assister à un discours et un échange de vues avec S.A.R. la Grande-Duchesse Maria Teresa qui s'est adressée à l'hémicycle sur le problème grave des violences sexuelles dans les zones de conflit.
La matinée de la première journée était dominée par les allocutions de Bjørn Berge (NO), Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe et de Michael O’Flaherty (IE), Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe, suivies de débats et d’échanges de vues avec les membres du Congrès, ainsi que par le débat et le vote sur le projet de recommandation sur le budget du Congrès pour les années 2026-2027.
Dans son intervention, Bjørn Berge a souligné le rôle primordial joué par le Congrès dans la défense de la démocratie. « Alors que nous regardons vers l’avenir, n’oublions jamais que la démocratie locale est notre première ligne de défense. » a-t-il déclaré.
Le commissaire O'Flaherty, pour sa part, a souligné que les gouvernements locaux sont des acteurs clés en matière de droits de l'homme et s'est engagé à intensifier la coopération avec eux. S'appuyant sur ses travaux récents, notamment ses visites en Ukraine, en Turquie et en Géorgie, il a souligné le besoin urgent d'une action au niveau local, du respect des normes internationales et de partenariats plus étroits pour défendre les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit. « Je suis le fils d'un maire, je suis le petit-fils d'un maire. J'ai vu directement, à travers le travail de mon père et de mon grand-père, à quel point les collectivités locales et régionales sont essentielles à l'épanouissement humain et qu’elles jouent un rôle clé concernant un accès au logement et à l'hébergement, à des transports publics appropriées, aux soins de santé ainsi qu’à des infrastructures de loisirs décentes. C'est grâce à cette expérience de mon enfance que je reconnais si facilement que les collectivités locales et régionales sont de véritables alliées pour la promotion et la protection des droits de l'homme. » a-t-il affirmé.
L’après-midi du 25 mars a commencé par un débat sur la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et plus précisément le redressement et la reconstruction décentralisés de l'Ukraine, avec la participation du vice-ministre du développement des communautés et des territoires, Oleksii Riabykin, le président de la sous-commission parlementaire sur l’organisation administrative et territoriale et l’autonomie locale du Parlement ukrainien, Vitalii Bezghin, et l’envoyé spécial pour la reconstruction de l’Ukraine, Davide La Cecilia (IT).
Les membres du Congrès ont ensuite adopté une déclaration sur le redressement et la reconstruction de l'Ukraine, présentée par Martine Dieschburg-Nickels (LU) et Gunn-Marit Helgesen (NO). Les rapportrices ont souligné la nécessité de garantir des institutions fortes et des communautés et citoyens autonomes en Ukraine, comme étant essentiels pour un avenir durable. Elles ont souligné l'importance de la dimension humaine du redressement, notamment la nécessité de soutenir les anciens combattants, les populations touchées par la guerre et les enfants, où les autorités locales et régionales seront en première ligne. Le Congrès a également souligné que les avoirs russes confisqués et gelés devraient être utilisés pour les efforts de reconstruction.
Lors de la présentation du projet de déclaration, Martine Dieschburg-Nickels a insisté que « depuis trois ans, nous déplorons et condamnons cette situation à chacune de nos sessions, tout en réaffirmant notre attachement indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ce soutien, par nos mots lors de nos sessions, mais aussi par nos actes dans les activités de coopération et d’expertise du Congrès, ce soutien est d’autant plus important que les hypothèses géopolitiques que nous prenions pour acquises sont aujourd’hui mises à mal et que le multilatéralisme est menacé. […] Je souhaite rendre hommage une nouvelle fois au rôle crucial que jouent les autorités locales et régionales en Ukraine depuis le début de cette guerre pour faire face à ses conséquences humanitaires, assurer le fonctionnement des services publics et répondre aux besoins urgents de la population. Ces autorités sont en première ligne au plus près des besoins de leurs citoyens. Notre solidarité avec elles est plus que jamais cruciale. » a-t-elle conclu.
Le débat sur le redressement et la reconstruction décentralisés de l'Ukraine a été suivi par un débat et le vote sur une recommandation en relation avec le deuxième sommet mondial pour le développement social de l’Organisation des Nations Unies, présenté par Harald Sonderegger (AT) et Martine Dieschburg-Nickels (LU).
Le point fort de la session de l'après-midi était toutefois sans doute l’allocution de Son Altesse Royale la Grande-Duchesse de Luxembourg sur le thème de la fin des violences sexuelles dans les zones de conflit, suivi d’un débat sur les violences contre les femmes politiques en présence de Jaqueline Mc Laren, Lord Provost de la ville de Glasgow (UK) et Flo Clucas, Présidente de la commission permanente sur l'égalité des genres du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE).
S.A.R. la Grande-Duchesse a souligné le travail crucial de Stand Speak Rise Up!, une association qu'elle a fondée en 2018 et dont elle est la Présidente, pour soutenir les survivantes de violences sexuelles dans les zones de conflit. Accompagnée de sa conseillère et cofondatrice, Chékéba Hachemi, Présidente de l’association « Afghanistan Libre », la Grande-Duchesse a réaffirmé son profond engagement à faire entendre la voix des survivantes de violences sexuelles liées aux conflits. Elle a rappelé que lors du forum international de 2019 au Luxembourg, 50 survivantes ont courageusement partagé leurs expériences déchirantes.
« Je souhaite défendre une cause que personne ne veut défendre », a-t-elle déclaré dans une vidéo présentée à l'hémicycle, appelant à une action mondiale continue contre le viol comme arme de guerre. Dans sa discussion avec Chékéba Hachemi, elle a ajouté : « On ne peut pas être crédible si on ne travaille pas sur le terrain. C'est pourquoi nous travaillons avec les survivantes ». La Grande-Duchesse a souligné l'importance de libérer la parole, réaffirmant la priorité de l'association à faire entendre la voix des victimes.
Ensuite, les membres du Congrès ont poursuivi avec un débat sur les violences contre les femmes politiques. L’Hémicycle a accueilli une série de témoignages alarmants, mais aussi l’espoir qu’il pourrait insuffler un véritable changement dans la culture politique de ses Etats membres pour protéger et encourager les élues, sans lesquelles la démocratie n’a pas d’avenir.
Jaqueline McLaren a en effet confirmé que les chiffres de la participation des femmes en politique ne sont pas rassurants. Son expérience personnelle de conseillère locale et de maire de Glasgow n’a d’ailleurs pas été exempte de violences. Menacée, entre autres, de subir le supplice du goudron et des plumes, elle a fait face aux sentiments d’impuissance et de détresse que de nombreuses femmes politiques ont connu, connaissent ou connaîtront. D’où sa motivation de s’investir dans des programmes d’entraide, de mentorat et de solidarité entre élues tels que Eurocities. Elle a appelé les membres du Congrès d’agir et de s’engager citant également l’initiative Cartier pour une entraide entre femmes d’affaires et leaders dans le monde, tout comme Sophie’s Stop – application créée par des femmes pour des femmes visant à lutter contre les violences sexistes.
Flo Clucas a ajouté que le rapport du CCRE « Les femmes en politique : tendances locales et européennes » témoigne du fait qu'environ 1 sur 3 des femmes en politique ont été victimes de violences, notamment de la cyberviolence. Elle a lancé un appel aux actions concrètes de la part des membres du Congrès citant une série de mesures prises par l'Association des gouvernements locaux anglais : les kits de formation, mis à la disposition des conseils municipaux, les mesures de sécurité lors des réunions des conseils municipaux, l’enquête Your Voice, lancée pour permettre aux jeunes femmes et aux filles de s'exprimer au sujet de leur éventuelle participation dans la vie politique, le travail pédagogique dans les écoles, etc.
Les interventions des délégués jeunes, parmi eux Sarah Mackel qui représente le Luxembourg pour les 2 sessions en 2025, qui ont témoigné de leur résolution à changer la donne et œuvrer pour l’égalité des sexes en politique et dans la société en général ont tout particulièrement été applaudis.
Le 26 mars, le deuxième jour de la session, Monsieur le Ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, est intervenu au nom de la présidence luxembourgeoise du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à l’occasion de laquelle une exposition sur la langue luxembourgeoise du Zenter fir d’Lëtzebuerger Sprooch (ZLS) a également été inaugurée au foyer de l’hémicycle du Palais de l’Europe.
Présentant les priorités de la présidence luxembourgeoise, le Ministre Gloden a souligné que l'Europe devait « réaffirmer son attachement à la démocratie locale et régionale », et a mis en avant le rôle essentiel des élus locaux à travers le continent, qui œuvrent chaque jour pour faire vivre la démocratie dans leurs communes. « L'Europe des peuples se construit au niveau local et régional », a-t-il insisté.
Le rôle des élus locaux et régionaux est particulièrement important dans le contexte des profonds bouleversements géopolitiques et de la guerre auxquels le continent européen est confronté, a poursuivi le ministre Gloden. « Face aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés, nous ne devons pas oublier qu'une démocratie locale forte est le meilleur rempart contre l'érosion démocratique », a-t-il déclaré, concluant que, dans ce contexte, le Congrès du Conseil de l'Europe était véritablement « l'arme démocratique de notre continent ».
La journée s’est terminée par l’adoption d’une résolution et d’une recommandation visant à améliorer l’identification des victimes et l’éradication des pratiques de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail au niveau local et régional. Donner aux villes et aux régions les moyens de lutter contre « l’esclavage moderne » en Europe est un enjeu essentiel pour le Congrès.
Présenté par les co-rapportrices Cecilia Dalman Eek (SE) et Martine Dieschburg-Nickels (LU), la recommandation insiste sur l’engagement actif des pouvoirs locaux et régionaux dans une approche multi-niveaux et multidisciplinaire qui prévoit des référents formés au niveau local et régional et associe aussi les ONG. Il demande au Comité des Ministres d’inviter les autorités nationales respectives des États membres du Conseil de l’Europe à élaborer des stratégies nationales luttant contre la traite des êtres humains en concertation avec les autorités locales et régionales et leurs associations, présentes sur le terrain. La collecte des données ne doit pas seulement servir à détecter et à poursuivre les pratiques criminelles, mais aussi à les prévenir.
Pendant la présentation du dossier, Martine Dieschburg-Nickels a expliqué que « plus précisément, la résolution demande d’accorder la priorité au combat de la traite des êtres humains dans les agendas politiques en adoptant une stratégie des droits de l'homme axée sur la protection des victimes et non sur leur criminalisation, et en prévenant la traite des êtres humains à des fins d'exploitation du travail grâce à des programmes de sensibilisation, grâce à la protection des groupes à risque et à travers la formation des principales parties prenantes aux niveaux local et régional.
La résolution appelle également à la mise en œuvre de politiques d'achat éthiques au sein des autorités locales et régionales afin de garantir que les chaînes d'approvisionnement sont exemptes d'exploitation, et ce, en étroite collaboration avec les syndicats, les ONG et d'autres partenaires concernés.
En outre, elle appelle à l'élaboration d'une approche nationale de lutte contre la traite des êtres humains qui définisse clairement les devoirs de chaque autorité impliquée, donne la priorité aux droits de l'homme et promeut des modes de signalement sûrs, en particulier pour les personnes vulnérables. L'assistance aux victimes devrait également être améliorée en soutenant la création de réseaux multidisciplinaires dotés d'un financement suffisant pour offrir un soutien spécialisé et des services de proximité. » a-t-elle expliqué.
Enfin, les délégués jeunes ont pris une part très active à la discussion. Ils ont proposé, entre autres, la certification éthique des entreprises et la sensibilisation des habitants aux problèmes de la traite, parfois en rapport direct avec les services rendus aux particuliers dans leur vie quotidien.
Le dernier jour de la session, le Congrès a adopté une Déclaration à l'issue d'un débat d'urgence, dans laquelle il appelle les autorités turques à cesser de poursuivre et de détenir des élus des partis d'opposition, à libérer les personnes actuellement détenues, notamment le maire d'Istanbul Ekrem İmamoğlu et le maire de Van et membre du Congrès Abdullah Zeydan, à garantir les droits de la défense et à s'abstenir de recourir de manière excessive à la détention provisoire en l'absence de preuves claires d’un soupçon fondé.
Le Congrès a exprimé sa profonde inquiétude face à la dégradation des conditions de travail des élus locaux et régionaux et à l'affaiblissement des libertés fondamentales et de l'État de droit en Turquie. Cette situation s'est caractérisée par l'accélération des licenciements, des arrestations et des poursuites judiciaires à l'encontre des maires de l'opposition pour terrorisme et corruption et par leur remplacement, dans de nombreux cas, par des administrateurs nommés. Cette pratique a été condamnée à plusieurs reprises par le Congrès pour violation de la Charte européenne de l'autonomie locale.
Parmi les autres temps forts de la session, on peut citer les débats sur la situation de la démocratie locale et régionale en Géorgie, sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux aux niveaux local et régional, sur le sans-abrisme dans les villes, sur les ressources en eau sous tension et sur la démocratie locale et régionale dans le monde, ainsi que sur le rôle des élus locaux dans la protection de l’environnement, la gouvernance financière régionale, le rôle des autorités sous-régionales dans les pays à trois niveaux d’autonomie infranationale, et le rôle des régions dans le processus d’adhésion et de post-adhésion à l’UE.
Le Congrès a également débattu des rapports de suivi sur l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale au Liechtenstein et à Saint-Marin, et a adopté les rapports et les recommandations sur l’observation des élections locales à Podgorica (ME) et en Bosnie-Herzégovine ainsi que la mission d’information en Roumanie à la suite des élections locales du 23 octobre 2024.
Pour plus d’informations, visitez le site web du Congrès sous : https://www.coe.int/fr/web/congress/.
Photos : © Conseil de l’Europe et SYVICOL
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