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Les défis du système de collecte des textiles usagés au centre d’une entrevue avec AEHDL, Kolping Lëtzebuerg, FWS GmbH, Co-labor et le Forum pour l’emploi

Le 30 juin 2025, le bureau du SYVICOL, représenté par son président Emile Eicher, a rencontré les deux associations caritatives Aide aux Enfants Handicapés et Défavorisés de Luxembourg a.s.b.l et Kolping Lëtzebuerg a.s.b.l. ainsi que FWS Gmbh, une entreprise allemande qui traite les textiles collectés. Entre les participants se trouvaient également Co-labor, un acteur social œuvrant à l'amélioration de l'employabilité de salariés en insertion, ainsi que le Forum pour l’emploi a.s.b.l.

Depuis des décennies, AEHDL et Kolping Lëtzebuerg collectent des vêtements et chaussures usagés, en vue de leur réutilisation, contribuant ainsi de manière significative à la réduction des déchets et à l’atteinte des objectifs de recyclage au Luxembourg. Cependant, le système historique, qui repose en grande partie sur l’engagement bénévole d’associations caritatives, est aujourd’hui menacé.

Conformément à une directive européenne, transposée en droit luxembourgeois par une loi du 9 juin 2022, la collecte séparée des textiles est obligatoire dans tous les États membres depuis le 1er janvier 2025 au plus tard. Cette mesure, bien que porteuse de progrès environnemental, entraîne plusieurs impacts concrets et défis majeurs pour les acteurs concernés au Luxembourg.

Un des défis principaux est une hausse significative des volumes à collecter. Avec l'obligation pour les citoyens de trier tous les textiles (même abîmés), les quantités explosent et les conteneurs classiques risquent la saturation. Cette augmentation des quantités est encore renforcée par l’essor du phénomène « fast fashion ». Il existe dès lors un certain besoin d’étendre les infrastructures ou d’augmenter la fréquence des collectes.

Parallèlement, on constate une réduction de la qualité des textiles collectés. Les acteurs luxembourgeois doivent désormais faire face à une part importante de textiles qui ne peuvent pas être réutilisés. Ces déchets sont recyclés pour produire notamment des isolants pour l’industrie automobile, mais la demande de tels produits est en baisse.

En outre, le marché pour des textiles « second hand » s’est écroulé dans bon nombre de pays importants, notamment en Europe de l’Est, entraînant une forte baisse de la demande auprès des sociétés assurant le tri et la revente.

À cela s’ajoute une évolution sociétale inquiétante : les conteneurs sont de plus en plus utilisés comme points de dépôt sauvage de déchets de tous genres. Tant AEHDL et Kolping Lëtzebuerg ont expliqué qu’elles doivent ensuite évacuer ces déchets, souvent à leurs propres frais, et ont appelé les communes à les soutenir dans cette matière.

L'interaction de tous ces facteurs entraîne une augmentation des coûts avec une baisse concomitante des revenus. Face à l’absence de rentabilité, certaines organisations européennes ont déjà baissé les bras. En Tyrol du Sud, Caritas a mis fin à ses collectes. En Allemagne, la Croix-Rouge a retiré de nombreux containers.

Au Luxembourg, le même scénario menace de se produire. AEHDL et Kolping Lëtzebuerg se sont donc adressées au secteur communal – il faut savoir que la collecte des textiles relève de la compétence des communes selon la loi susmentionnée – afin que le système actuel puisse être pérennisé à l’échelle nationale.

Les participants à la réunion étaient d’accord qu’une solution envisagée pourrait être la mise en place d’un système de traçabilité en intégrant le textile à la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), selon lequel ces derniers devront contribuer à financer les coûts de fin de vie des vêtements.

Emile Eicher a souligné qu’on pourrait s’inspirer de systèmes existants en étudiant la possibilité d’intégrer les textiles dans un système inspiré d’Ecotrel, avec un financement basé sur une taxation ciblée, comme c’est déjà le cas pour les appareils électroniques. Une évaluation des modèles étrangers, qui existent déjà en France et aux Pays-Bas, pourrait représenter une autre piste.

Ensuite, les participants se sont penchés sur un autre sujet important dans ce cadre : la sensibilisation et le comportement des citoyens. Ils se sont mis d’accord qu’il faut renforcer la communication et l’éducation au tri textile au niveau local afin de garantir que les citoyens trient correctement et ne jettent pas des déchets ou textiles humides dans les conteneurs.

La directrice d’AEHDL, Nora Herrmann, a regretté que sa collecte en porte à porte annuelle ait manqué de succès et a appelé les communes à soutenir davantage ces initiatives par une communication active.

Le président du SYVICOL a confirmé le rôle important des communes en ce qui concerne la communication via des campagnes d’information sur les réseaux sociaux, un placement stratégique de containers (ex. près des écoles) ou la promotion des collectes en rue, qui offrent souvent une meilleure qualité des textiles collectés par rapport aux containers.

Le SYVICOL a exprimé son engagement à soutenir l’AEHDL et Kolping Lëtzebuerg dans leurs démarches, reconnaissant l’importance de leur rôle dans la collecte et la valorisation des textiles usagés au Luxembourg.

Dans ce contexte, le SYVICOL a souligné la nécessité d’organiser un dialogue structuré avec le ministère de l’Environnement et les syndicats de communes compétents en matière de gestion des déchets, afin de définir ensemble les conditions d’un système pérenne et cofinancé, conforme aux exigences européennes en matière de gestion des déchets textiles.

Photo : © SYVICOL

Publié le : 09.07.2025

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