168e session plénière du Comité européen des régions à Bruxelles du 13 au 15 octobre 2025 et 23e Semaine européenne des régions et des villes

Du 13 au 15 octobre 2025 s’est tenue à Bruxelles la 168e session plénière du CdR à laquelle ont pris part les membres de la délégation luxembourgeoise Natalie Silva, Roby Biwer, Tom Jungen, Lou Linster, Ben Ries et Stephen De Ron. Parallèlement à cette session plénière, la 23e Semaine européenne des régions et des villes a réuni quelque 7.000 participants au cours de 156 sessions en personne.

La première journée a commencé avec le discours de la présidente du CdR, Kata Tüttő, sur l'état des régions et des villes dans l'Union européenne, au cours duquel elle a mis en évidence les principales conclusions et recommandations de la sixième édition du Rapport annuel de l’Union européenne sur l’état des régions et des villes, qui analyse les défis régionaux majeurs et les réponses locales, appuyé par une enquête IPSOS sur la perception du soutien européen par les responsables locaux.

Dans son discours, Kata Tüttő a insisté sur le rôle central de la politique de cohésion, qu’elle a qualifiée d’outil « le plus concret, le plus décentralisé et le plus stabilisateur à long terme de l’Union ». Selon elle, cette politique incarne la solidarité européenne, en reliant les citoyens et les territoires à travers des investissements communs dans un avenir partagé.

Elle a toutefois exprimé son inquiétude face à la nouvelle proposition budgétaire de l’UE, qui risquerait de « nationaliser » la politique de cohésion, de réduire ses financements et d’éloigner sa gestion de Bruxelles. Madame Tüttő a averti que cette évolution pourrait créer une concurrence déséquilibrée entre régions et secteurs et a appelé à une mobilisation collective pour défendre l’avenir de la cohésion.

La séance d’ouverture a également été marquée par les interventions de Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, et de Raffaele Fitto, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé de la cohésion et des réformes. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, est également intervenue par message vidéo.

Le lendemain, de nombreux ateliers et conférences ont eu lieu dans le cadre de la Semaine européenne des régions et des villes. Parallèlement, la séance plénière s’est ouverte l’après-midi avec un l’adoption d’un avis sur le nouveau budget à long terme de l’UE après 2027, à savoir le cadre financier pluriannuel (CFP).

Le CdR alerte sur les risques liés à la proposition actuelle du budget à long terme de l’UE après 2027.
A ses yeux, ce projet favoriserait une centralisation excessive au profit de la Commission européenne et une nationalisation de la politique de cohésion, de la politique agricole et de la politique de la pêche, les mettant en concurrence au lieu de les compléter.

Une telle réforme, estime le CdR, affaiblirait la démocratie européenne et réduirait le contrôle parlementaire (européen et national) sur les fonds régionaux. Lors de sa session plénière du 15 octobre, le CdR a adopté à l’unanimité une résolution demandant au Parlement européen et aux États membres de soutenir son appel à la Commission européenne pour réviser sa proposition. Le CdR insiste pour que la politique de cohésion reste un instrument autonome, accessible à toutes les régions et pour que la gouvernance partagée avec les collectivités locales et régionales soit maintenue.

Le CdR prépare désormais un avis spécifique sur le futur CFP (adoption prévue en mars 2026) et d’autres avis sectoriels au premier semestre 2026.

Une action publique organisée par l’Alliance pour la cohésion (#CohesionAlliance) devant le Parlement européen a rassemblé des membres du CdR et des députés européens pour manifester leur opposition à cette réforme.

Les membres du comité sont ensuite passés à l’adoption d’un avis sur la stratégie européenne de lutte contre la pauvreté dont le rapporteur est Yonnec Polet (BE/PSE), conseiller communal de Berchem-Sainte-Agathe.

Une nouvelle étude du CdR révèle une hausse de la pauvreté dans plusieurs États membres développés, dont la France et l’Allemagne, ainsi que de fortes disparités régionales, notamment en Belgique.

Le Comité appelle à une action coordonnée et ambitieuse pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui touchent encore plus de 93 millions de citoyens européens — soit un cinquième de la population. Les groupes les plus vulnérables incluent les enfants, jeunes, personnes âgées, familles monoparentales, migrants, personnes handicapées et habitants de zones rurales ou défavorisées.

Les dirigeants régionaux et locaux plaident pour des revenus minimums adaptés à l’inflation, une lutte renforcée contre la pauvreté infantile et la pauvreté au travail, des investissements dans le logement abordable et la prévention du sans-abrisme et une meilleure accessibilité des fonds européens pour les villes et régions.

L’étude du CdR souligne également que près de 40 % des régions européennes enregistrent un taux de pauvreté supérieur à la moyenne de l’UE. Dans plusieurs pays, la pauvreté augmente malgré la croissance économique, mettant en évidence le rôle crucial des collectivités locales et régionales, de plus en plus en première ligne dans la mise en œuvre des politiques sociales.

En vue de la première stratégie européenne de lutte contre la pauvreté, attendue pour 2026, le CdR appelle à un plan réaliste et aligné sur les objectifs de développement durable visant non seulement à réduire, mais à éradiquer la pauvreté d’ici 2050.

Le troisième jour de la session plénière a été marqué par l’adoption de l’avis sous le nom « Concevoir des crédits Nature: un cadre pour promouvoir la biodiversité et les services écosystémiques ».

Les régions et villes européennes reconnaissent le potentiel des crédits pour la nature pour mobiliser des financements privés et combler le déficit de 37 milliards d’euros nécessaire à la lutte contre la perte de biodiversité. Toutefois, le Comité européen des régions (CdR) avertit que ces crédits ne doivent pas remplacer le soutien public européen existant, notamment le programme LIFE, supprimé dans la proposition de la Commission pour le prochain budget pluriannuel (2028-2034).

Le rapport, présenté par Rastislav Trnka (SK/PPE), souligne que les crédits pour la nature doivent rester complémentaires aux politiques européennes de protection de l’environnement et être fondés sur des résultats mesurables. Ils devraient soutenir des projets locaux de restauration écologique et favoriser la régénération des territoires affectés par l’activité industrielle ou la pollution.

Lou Linster, bourgmestre de la commune de Leudelange (LU/RE), est intervenu lors du débat et a présenté l’expérience du Luxembourg avec les écopoints, un système où chaque impact sur la nature doit être compensé et où les communes peuvent en gagner en réalisant des projets de renaturation.

Il a salué cette approche comme un premier pas positif, tout en soulignant que le système de crédits pour la nature discuté au niveau européen va plus loin, car il vise à impliquer le secteur privé en lui offrant un intérêt économique et réglementaire clair.

Pour que ces investissements produisent un impact réel sur le terrain, Lou Linster a insisté sur le rôle central des communes et régions, qui disposent de la connaissance locale, des compétences techniques et de la confiance des citoyens. Selon lui, la coopération entre acteurs publics et entreprises privées est la clé pour transformer les financements en actions concrètes de restauration écologique et pour donner une véritable valeur à la biodiversité européenne.

Il a déclaré : « En travaillant main dans la main avec les entreprises, nous pouvons transformer les financements privés en actions concrètes de restauration de la nature. »

Au total, onze avis et une résolution d’urgence ont été adoptés lors de cette session :

  • Renforcer la dimension territoriale des relations entre l’UE et la Suisse
  • Préparation de la défense européenne à l’horizon 2030
  • L'état de l'union de l’énergie : se préparer à une mise en œuvre harmonieuse de la transition énergétique conformément aux objectifs du paquet "Ajustement à l'objectif 55"
  • Concevoir des crédits Nature: un cadre pour promouvoir la biodiversité et les services écosystémiques
  • Une stratégie européenne de lutte contre la pauvreté
  • Stratégie sur l’union des compétences
  • Renforcer les droits des femmes dans l'UE: le point de vue local et régional
  • Instituer un système commun pour le retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'Union
Publié le : 30.10.2025