« Éislek am neie Liicht » et la lutte contre la pollution lumineuse

Par le projet « Éislek am neie Liicht », les huit communes membres du Naturpark Our ont entamé la lutte contre la pollution lumineuse. Outre l’économie d’énergie et la réduction des coûts, l'enjeu n'est rien de moins qu'une amélioration de la qualité de vie des citoyens et une protection de la biodiversité.

Selon des études, 85% de l'ensemble du territoire de l'UE est entretemps éclairé artificiellement durant la nuit. En raison de la pollution lumineuse qui en découle, la visibilité de notre ciel nocturne est fortement entravée. L'éclairage artificiel a augmenté si rapidement que ni la nature, ni l'homme n'ont pu s'adapter à ce phénomène.

Le projet « Éislek am neie Liicht », mis en œuvre par le Syndicat intercommunal Naturpark Our, vise à sensibiliser et à informer ses communes membres sur ce sujet. Ses origines remontent au projet Interreg Europe Night Light auquel le Naturpark Our a participé avec sept autres partenaires européens sur une période de cinq ans, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021. L’année 2017 a d’ailleurs marqué une prise de conscience au niveau national, régional et communal de la nécessité de préserver l’environnement nocturne qui a été mise en évidence par l’étude sur les émissions lumineuses au Luxembourg, dont les conclusions ont été présentées en mars 2017. Un peu plus d’un an plus tard, a été publié le guide technique « Leitfaden „Gutes Licht“ im Außenraum für das Großherzogtum Luxemburg » qui est le fruit d’une collaboration entre diverses parties prenantes, dont le Naturpark Our. L’application pratique de ces lignes directrices nationales a d’ailleurs eu des effets positifs pour lutter contre la pollution lumineuse, qui a pu être ainsi considérablement réduite. La prévention de la pollution lumineuse figure depuis peu parmi les objectifs du Pacte Climat 2.0 et du récent Pacte Nature, ce qui constitue une incitation supplémentaire à optimiser les infrastructures communales d'éclairage public.

Le projet « Éislek am neie Liicht » s’inscrit dans la continuité du projet Interreg Europe Night Life. Les objectifs du projet, financé à part égale par le Naturpark Our et le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, sont d’une part de développer une stratégie régionale d’atténuation de la pollution lumineuse et, d’autre part, d’offrir un conseil et un soutien aux communes dans la mise en œuvre de mesures individuelles y relatives. Un plan d’action régional pour la réduction de la pollution lumineuse et la protection d’un paysage nocturne naturel dans le parc naturel de l’Our a ainsi été établi, prévoyant la mise en œuvre d’un programme de mesures stratégiques réparties dans cinq catégories. Concrètement, l’équipe du Naturpark Our concentre ses efforts sur l’intégration de la prévention de la pollution lumineuse dans la politique communale de protection de la nature et des paysages ainsi que du climat, en mettant l’accent sur ses avantages mesurables. En effet, réduire la pollution lumineuse permet à la fois de réaliser des économies d’énergie et d’améliorer l’efficacité énergétique des infrastructures d’éclairage artificiel, conçues pour répondre aux besoins en termes d’intensité lumineuse et d’orientation.

Parallèlement à la protection du paysage, le plan d’action régional vise à informer et sensibiliser le public sur la valeur, la rareté et la beauté d’un ciel nocturne naturellement sombre et dans ce cadre contribuer au développement d’offres touristiques régionales durables. Au fur et à mesure de la réalisation de ce plan, le Naturpark Our ambitionne de passer du statut de région pilote à celui de région exemplaire mettant en œuvre un éclairage respectueux de l’environnement.

Deux facteurs principaux sont responsables pour la pollution lumineuse : d’une part la trop grande émission lumineuse (« Lichtemission ») et de l’autre part la déviation de la lumière (« Lichtlenkung ») due à des installations d'éclairage mal orientées. S’y ajoute le spectre des couleurs (« Lichtspektrum ») – surtout la lumière à ondes courtes (lumière bleue) – ayant un impact sur le rythme circadien de l’être humain. Les conséquences peuvent être un manque de sommeil, des problèmes cardiaques, des dépressions et même certains cancers. La quatrième raison est le scintillement (« Flickering ») dû à l'usage d’ampoules LED. Ce type d’ampoules a besoin de courant continu pour fonctionner parfaitement et pour briller sans clignotement. Il est même établi que le phénomène du scintillement a une influence sur l’équilibre hormonal de l’être humain. Finalement, l’illumination des paysages nocturnes a un impact négatif sur la biodiversité et perturbe le cycle de vie de nombreux organismes actifs durant la nuit.

Revenons au projet en soi et à la question de savoir en quoi le travail de l’équipe en charge du projet consiste sur le terrain. Sur demande des autorités communales, elle établit d’abord un état des lieux, sur base duquel des catalogues de mesures individuels sont établis. Des recommandations d'action sont rédigées tout comme des listes sur les mesures à prendre en compte lors de l'installation de l'éclairage public dans des nouveaux quartiers résidentiels, par exemple. À côté de la rédaction de cahiers des charges, des plans directeurs d'éclairage sont proposés comme c’est le cas pour la commune de Clervaux, qui a investi dans le cadre du projet « Cliärref am neie Liicht » un montant de 267.500 euros dans son propre réseau d’éclairage public afin de lutter contre la pollution lumineuse. Le résultat est impressionnant, avec une réduction sur une année de la consommation d'électricité de 44.625 kWh à 7.660 kWh représentant une baisse des coûts de 7.600 à 1.300 euros. En outre, les communes peuvent également bénéficier d'une assistance de l’équipe en charge du projet lors des appels d'offres. Les communes ne sont cependant pas le seul public cible de ce service, puisque le conseil en éclairage est également offert aux entreprises et aux ménages pour leur proposer des solutions techniques assurant un bon éclairage respectueux de l’environnement tout en évitant le gaspillage d’énergie.

« Ce que nous proposons, c’est un conseil approfondi en matière technique, ainsi qu’en ce qui concerne les subventions disponibles », explique Daniel Gliedner, conseiller en éclairage du Naturpark Our. « Les mesures de sensibilisation entreprises dans le contexte du projet sont en train de porter leurs premiers fruits dans les communes membres du Naturpark Our », poursuit Laurent Spithoven, gestionnaire du projet. Des cahiers des charges ont entretemps été dressés pour les communes de Clervaux, Parc Hosingen, Putscheid et Wincrange.

À Vianden, les responsables politiques ont pour leur part décidé de suivre l’exemple de nombreuses communes françaises où l'éclairage public est éteint durant la nuit. Dans une rue, un peu à l’écart du centre-ville, l’éclairage public ne s'allume que lors du passage de piétons ou de véhicules. Cette mesure a, à elle seule, permis de réduire les heures de fonctionnement annuelles de 4.195 à 365 heures. Également à Vianden, dans le lotissement « Scheierhaff », un éclairage public de 5 lux (unité de mesure de l'intensité lumineuse) a été installé sur recommandation de l’équipe en charge du projet, après sa consultation. L'investissement pour l'installation de nouvelles têtes de lampadaire a certes coûté 11 000 euros, mais il a permis de réduire la consommation d'électricité de 15.300 kWh à 1.600 kWh et de diminuer les dépenses de 2.600 à 272 euros. L'investissement devrait ainsi être amorti en l’espace de quatre ans et demi.